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             Ce site a été réalisé par  Dominique Moulon avec le soutien du  ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales). 
                Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles  sur “ Art in the Digital Age”.  | 
           
         
          
           
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          PEAU, MEDIAS ET INTERFACES 
         
         L’AV Festival compte parmi les principaux événements, au Royaume-Uni, qui s’articulent autour des pratiques de l’image et du son à l’ère du numérique et des réseaux. La troisième édition de ce festival biennal se tenait récemment dans le Nord-Est de l’Angleterre pendant que l’exposition “sk-interfaces”, au FACT de Liverpool, rassemblait des œuvres d’artistes considérant la peau telle une interface. 
         L'AV Festival s’étend sur les villes de Newcastle, Middlesbrough et Sunderland où les affiches et autres programmes donnent clairement le ton : « This is the transmission. Are you receiving? ». Cette édition 2008 a en effet été conçue autour de la notion de diffusion, une notion que l’on se doit de réexaminer à l’ère du Web 2.0. 
          
        
          
            
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              Yuko Mohri, “Bairdcast Media: A History of Machine Translation”, 2007 (installation), Photographie Louise Hepworth. | 
             
           
         
         
           
           Transmettre et recevoir 
           
           C’est une suite de découvertes, initiées durant la deuxième moitié du XIXe siècle, qui a donné naissance à la télévision. Aussi, c’est tout naturellement au musée de la découverte de Newcastle que les recherches de John Logie Baird, l’un de ses principaux inventeurs, sont évoquées au travers du dispositif de Yuko Mohri : “Bairdcast Media: A History of Machine Translation”. La jeune artiste japonaise s’est en effet inspiré des recherches de l’inventeur écossais du “Televisor” avec lequel ce dernier transmettait la première image de télévision en niveaux de gris dès 1925. Plus de 80 années après, Yuko Mohri a remplacé les cellules de sélénium par les capteurs CCD d’un scanner à plat, et c’est avec des disques en rotation recouverts d’images photographiques qu’elle évoque le disque de Nipkow utilisé par Baird. Une imprimante à jet d’encre est située à l’autre bout de la chaîne. Celle-ci, disposée sur une planche à roulette, se rapproche du reste du dispositif au fur et à mesure qu’elle imprime les “photographies” transmises par le réseau. Avec ses images aux allures de portrait et dont les striures d’impression évoquent les lignes qui composent la première photographie connue d’image en mouvement, produite par le “Televisor”, Yuko Mohri nous incite à observer le chemin parcouru depuis les expériences de Baird, en 1925, jusqu’à la création de Youtube, en 2005. 
          
        
          
            
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              Atau Tanaka, Matt Wand, et :zoviet*france:, “Variations VII”, 1966 / 2008 (performance sonore ), Photographie Louise Hepworth. | 
             
           
         
         
           
           Sur l’autre rive de la rivière Tyne, à Gateshead, c’est un autre regard historique que propose le centre d’art contemporain le Baltic en offrant la possibilité aux artistes Atau Tanaka et Matt Wand, accompagnés par les membres du collectif Zoviet France, d’interpréter la performance “Variation VII”. Conçue par John Cage, celle-ci a été créée à New York en 1966 durant l’une des soirées de l’événement fondateur de l’Experiments in Art and Technology intitulé “9 Evenings: Theatre and Engineering”. Son auteur, bien que cette performance soit d’une relative complexité, la décrivait très simplement : « C’est une pièce de musique, indéterminée dans sa forme comme dans ses détails ». Ce dernier avait sollicité la compagnie de téléphone local pour diffuser, durant la performance, des ambiances sonores provenant de lieux telle une salle de presse ou une station électrique auxquelles il avait ajouté des ondes radios ainsi que les “bruits” d’un grand nombre d’appareils électroniques et ménagers… Il s’agissait pour lui « d’aller à la pêche aux sons ». Pas de partition donc, mais un plan détaillé que les artistes du Baltic ont interprété en assemblant les flux audio provenant de télévisions satellite, de téléphones cellulaires et autres connexions Internet avec, une fois encore, d’innombrables appareils électroniques et ménagers. Le résultat n’est autre qu’un maelström sonore sans véritables ruptures, en perpétuelle métamorphose, tout en transition. Un flux ininterrompu dont on ne sait  jamais véritablement dissocier les sons d’ici de ceux d’ailleurs. Et pour seule certitude : le fait que ces multiples captations, ondes, larsens, bruits, et autres rythmes mécaniques proviennent du temps de notre écoute. 
          
        
         
           
           De l’échange à la passivité 
           
           « Broadcast Yourself » clament Sarah Cook et Kathy Rae Huffman au travers des œuvres qu’elles ont regroupée à la Hatton Gallery de l’université de Newcastle. En empruntant ce slogan à Youtube, les deux curatrices nous disent clairement leur volonté d’explorer les travaux d’artistes qui, durant ces trente dernières années, se sont approprié la télévision. Une œuvre majeure y est exposée sous la forme de deux projections vidéo se faisant face. Elle se nomme “Hole in Space” et date de 1980 quand Kit Galloway et Sherrie Rabinowitz ont relié les deux côtes des Etats-Unis par une liaison vidéo durant trois soirées. Quelle ne fut pas la surprise des piétons, à New York comme à Los Angeles, de se découvrir respectivement au travers d’images projetées. Aucune information n’indique  alors ce qui se trame, ni au Lincoln Center de New York ni au Broadway Department Store de Los Angeles. Alors les questions fusent : « Qui êtes-vous ? Où êtes-vous ?… » Puis arrive le temps des jeux de passages virtuels d’objets réels, d’une côte à l’autre. Certains rient, d’autres crient, les uns se moquent, les autres flirtent, à New York, un fleuriste chante, à Los Angeles, on l’écoute… Le public s’est totalement emparé de la “sculpture communicante” des deux artistes dont Gene Youngblood nous dit à juste titre qu’ils « créent des contextes plutôt que des contenus ». 
          
        
          
            
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              Bill Viola, “Reverse Television - Portraits of Viewers”, 1983 (courts-métrages) Photographie Kira Perov. | 
             
           
         
         
           
           Une pièce de Bill Viola, participant à souligner la différence entre communication et réception, jouxte “Hole in Space”. Elle se nomme “Reverse Television - Portraits of Viewers” et illustre parfaitement notre passivité lorsque nous regardons la télévision. L’artiste américain, en 1983, a réalisé une quarantaine de portraits de gens vivant à Boston et ses alentours, chez eux, dans leur salon, face à leur téléviseur. L’un fume, l’autre boit, les décors se succèdent, mais les positions sont semblables. Ces courtes tranches d’ennui ont par la suite été diffusées sur une chaîne locale, la WGBH, et l’on se plaît à imaginer la surprise, le désarroi, des téléspectateurs face à leurs téléviseurs devenus soudainement des miroirs le temps de courts instants ! 
          
        
         
           
           Nouveaux langages 
           
           Quittons Newcastle pour nous rendre au Design Center de l’université de Sunderland où se situent l’exposition “Prepared Radios” regroupant d’étranges postes de radio. Ces derniers ont été conçus par Ryota Kuwakubo qui les a aussi “préparés” car s’ils captent les radios locales, ils n’en transmettent que les consonnes. Les voyelles étant filtrées en temps réel par le dispositif de l’artiste japonais, nous ne percevons en effet que quelques SSS, T, P… Et bien que moins nombreuses que les consonnes, on saisit, par leur absence, le rôle fondamental de “liant” que les voyelles assurent au sein de nos langages. Dans l’espace de la galerie, il est ainsi devenu impossible de saisir quelque sens que ce soit, ne serait-ce qu’un mot. Pourtant, la musicalité qui est propre à toute langue parlée a été quelque peu préservée. La musique, ici encore, est plus forte et l’on pense inévitablement à John Cage lorsque celui-ci, en 1935, disposait quelques objets entre les cordes d’un piano qu’il qualifia alors de “préparé”. 
          
        
         
           
           Revenons à Newcastle, non loin de ce que les habitants appellent “The Monument”, où une caravane a été transformée en salle de cinéma mobile. “Magnetic Movie”, du collectif anglais Semiconductor, compte parmi les films qui y sont projetés en boucle. Ce court-métrage est tout à fait représentatif des nouveaux langages cinématographiques qui procèdent de l’hybridation. Ruth Jarman et Joe Gerhardt ont effectué une résidence au laboratoire des sciences de l’espace de l’université de Californie dont ils ont rapporté quelques photographies accompagnées des témoignages de chercheurs spécialisés dans l’observation des champs magnétiques. De retour dans leur studio, ils ont “augmenté” les photographies de laboratoire de quelques points, lignes et autres surfaces animées aux couleurs saturées tout en enrichissant les interviews des chercheurs de quelques artefacts sonores. Tout ici nous encourage à croire ce que l’on voit, ce que l’on entend. Les intérieurs de laboratoires sont tels qu’on les imagine et les discours des scientifiques extrêmement structurés, fondés, comme il se doit. Aussi, les improbables représentations visuelles d’hypothétiques champs magnétiques, bien que tout à fait féeriques, deviennent  presque crédibles. Je les ai vus et entendus, des chercheurs en parlaient, ils existent ! 
          
        
         
           
           De la peau… 
           
           Et durant ce temps, au FACT de Liverpool, une exposition organisée par Jens Hauser interroge cette « membrane séparant le monde extérieur de l’espace intérieur du corps »  qu’est la peau. Une vidéo de l’artiste belge Wim Delvoye, projetée sur la façade de la “Fondation for Art and Creative Technology” compte parmi les œuvres de cette exposition intitulée “sk-interfaces”. Mais il faut quelques minutes pour saisir la nature du paysage qui défile lentement sous nos yeux dans “Sybille II”. Que sont donc ces filaments blancs à têtes noires qui émergent, en se tortillant sur eux-mêmes, d’une surface couleur chair quelque peu accidentée? À gauche comme à droite, l’image est encadrée par des formes arrondies que l’on identifie, après quelques instants comme étant des ongles. En fait, il ne s’agit que d’une pratique que nous connaissons tous et qui consiste à extraire les points noirs d’une peau que l’on souhaiterait parfaite. Ainsi, la découverte du sujet que le cadrage “serré“ n’a fait que ralentir, modifie immanquablement notre perception, notre jugement esthétique de ces quelques “filaments émergeants”. Qu'est-ce donc le beau ? 
          
        
         
           
           Entrons maintenant à l’intérieur du FACT où il est quelques pièces qui, à l’instar de “World Skin”, proposent une approche davantage métaphorique de la notion de peau. Cette installation immersive a déjà une histoire puisqu’elle a été conçue en 1997 par Maurice Benayoun pour le Cave de l’Ars Electronica Center, avant de remporter, l’année suivante, un Golden Nica à Linz pour, enfin, que son code soit réécrit cette année avec le soutien du laboratoire de recherche le Citu et de l’établissement public Arcadi. Notons au passage que bon nombre d‘œuvres “historiques” des années 90 sont vouées à disparaître faute d’être portées sur des machines contemporaines. Le public, en entrant dans l’espace de l’œuvre, a le choix entre observer, explorer ou Shooter. Observer une œuvre interactive passivement peut être bien frustrant. Explorer, c’est se saisir du Joystick pour naviguer au sein d’un paysage de guerre où militaires et véhicules blindés semblent figés dans leurs actions. Shooter, enfin, à l’aide d’un appareil photographique “modifié” par l’artiste de façon à ce que les textures des zones capturées disparaissent du monde projeté. Ainsi, le spectateur, selon l’auteur : « arrache la peau du monde ». Le paysage semble avoir été grillé par quelques Flashs d’une lumière blanche dont il garde les scarifications durant que le spectateur emportera les souvenirs de son « Safari-photo au pays de la guerre » en récupérant ses trophées imprimés à la sortie. Il en est même qui se souviendront du doute qui s’est emparé d’eux lorsque les sons du déclencheur, qui participent de l’ambiance sonore quelque peu oppressante composée par Jean-Baptiste Barriere, en rafale, se sont transformés en détonations. Ou quand le mot Shoot prit un tout autre de sens ! 
          
        
          
            
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              Stelarc, “Extra Ear: Ear on Arm”, depuis 1997 (performances). | 
             
           
         
         
           
           … Aux interfaces 
           
           C’est sous la peau intérieure de son avant-bras gauche, que Stelarc s’est fait implanter une “troisième oreille”. Ce projet, intitulé “Extra Ear: Ear on Arm” et initié en 1996, compte parmi une série de performances où, selon l’artiste australien, la prothèse n’est pas « vue comme un signe de manque, mais comme un symptôme d’excès ». La structure poreuse en forme d’oreille gauche que ce dernier s’est fait implanter sous la peau fait maintenant partie intégrante de son propre corps puisqu’elle permet à ses cellules de l’investir. L’objectif, retardé par quelques complications médicales, n’est autre que de connecter cette oreille supplémentaire à l’Internet en y installant un microphone accompagné d’un transmetteur Bluetooth. On peut alors envisager d’écouter le monde qui entoure Stelarc au travers de l’oreille de son bras lorsque celui-ci est sous couverture d’une borne Wi-Fi. Ce n’est pas la première fois que l’artiste questionne le possible devenir Cyborg de l’humain puisque celui-ci, durant d’autres performances, s’est fait attacher une “Troisième Main”, a ingéré une “Sculpture d’Estomac” et contrôlé un “Exosquelette”. Et il répond, lorsqu’on lui pose la question du “pourquoi une autre oreille ?” que « l’oreille est une structure belle et complexe, qu’elle n’est pas seulement faite pour entendre, que c’est aussi l’organe de l’équilibre et enfin, qu’avoir une oreille supplémentaire relève de l’excès ». 
          
        
          
            
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              Eduardo Kac, “Telepresence Garment”, 1995-1996 (performance), Photographie Brian Slater. | 
             
           
         
         
           
           Eduardo Kac, quant à lui, évoque la notion de “Zomborg” en exposant le vêtement de télé présence qu’il porta pour la première fois en 1996, à Chicago, durant que d’autres personnes, à Saint Petersbourg, contrôlaient ses déplacements dans l’espace. Le “Telepresence Garment”, sans manches ni jambières, contraint celui qui le porte à ne se déplacer, difficilement, qu’à genoux. Ce dernier est rendu aveugle par la cagoule opaque qui est équipée, à gauche, d’une caméra CCD, et à droite, d’un récepteur audio. L’“autre” comme le nomme l’artiste, peut ainsi contrôler à distance les déplacements du porteur de cet habit communicant devenu Zombi, bien que les composants électroniques dont il est affublé lui donnent davantage l’air d’un Cyborg. Ainsi, le “Zomborg” est devenu l’“hôte de l’autre”. Qu’il utilise les technologies de télé présence ou les biotechnologies, les œuvres d’Eduardo Kac, relèvent généralement des questions ou critiques sociales ou sociétales. Comme il l’explique : « La distance physique est à la fois effacée et réaffirmée par les nouvelles technologies. Cette condition pose la question pertinente de savoir comment les technologies de communication - incluant la télé présence, l’Internet et l’association des deux - affectent nos façons d’acquérir ou de créer du savoir ». 
          
        
          
            
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              Art Orienté objet, “Roadkill Coat”, 2000 (manteau inter espèces), Photographie Brian Slater. | 
             
           
         
         
           
           Manteaux d’artistes 
           
           Enfin, il y a dans cette exposition quelques “manteaux d’artistes” qui ont pour point commun d’illustrer le franchissement de la barrière des espèces. Le “Roadkill Coat” est en effet composé des fourrures d’animaux, de diverses espèces, morts écrasés et que les membres du collectif Art Orienté Objet, Marion Laval-Jeantet et Benoit Mangin, ont ramassé sur les bas-côtés des routes. Ceux-ci ont aussi exploré la barrière entre les sexes par la culture, en laboratoire, de fragments hybrides de leurs deux peaux. Ils se sont tout d’abord fait prélever quelques millimètres carrés de peau dans le dos afin de réaliser, en milieu stérile, des “Cultures de peaux d’artistes”. Les morceaux d’épiderme ainsi obtenus ont ensuite été déposés sur des dermes de porc pour enfin êtres tatoués de représentations d’espèces animales en danger. Aucun collectionneur n’ayant souhaité se les faire transplanter, ces précieuses hybridations sont exposées dans des bocaux en verre, sur des étagères, comme dans un cabinet de curiosité. « Nous envisageons aujourd’hui une action symbolique, nous dit Marion Laval-Jeantet avant d’expliquer : “que le cheval vive en moi”, au cours de laquelle je m’injecterai du sang de cheval rendu compatible. Cette action, très difficile à mettre en place du fait des nombreux tabous institutionnels et juridiques qu’elle questionne, révèle à nouveau à nos yeux la nécessité d’élargir la notion de respect du vivant et de la biodiversité souvent mise à mal par les biotechnologies ». 
          
        
          
            
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              ORLAN, “Manteau d’Arlequin”, 2007 (installation multimédia) , Photographie Brian Slater. | 
             
           
         
         
           
           ORLAN, quant à elle, songe au franchissement d’une tout autre barrière en ayant pour projet de cultiver, au sein du laboratoire artistique SymbioticA spécialisé dans la recherche sur les sciences du vivant, un fragment de peau issu de l’hybridation de cellules de sa propre peau avec celles d’une personne de couleur. Et elle aussi a confectionné un manteau, un “Manteau d’Arlequin”. La notion d’hybridation est une composante essentielle dans son travail. Son “Manteau d’Arlequin” nous évoque la préface du livre de Michel Serres, “Le tiers instruit”, dans lequel il voit dans le costume de l’Arlequin une métaphore du métissage puisque son habit est fait de fragments dont les couleurs comme les provenances diffèrent. Quant au “Manteau d’Arlequin” d’ORLAN, il s’articule autour d’une sorte de bio réacteur contenant des cellules aux provenances multiples, ici encore, tant du point de vue des espèces que des ethnies. Et notons enfin pour terminer qu’il était encore question d’hybridation en mai dernier à la galerie Michel Rein où ORLAN a exposé le dernier item de sa série des “Self-Hybridations” photographiques : les “Self-Hybridations Indiennes-américaines” où se mêlent le visage de l’artiste photographié et les portraits d’Indiens d’Amérique peints par Georges Catlin. 
         Article rédigé par Dominique Moulon pour Images Magazine, juillet 2008 
          
          
          
          
          
          
          
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