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 Ce site a été réalisé par Dominique Moulon avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication (Délégation au développement et aux affaires internationales).
 Les articles les plus récents de ce site sont aussi accessibles sur “ Art in the Digital Age”. |
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LES ARTS NUMERIQUES EN BELGIQUE
Il y a, en Belgique, bon nombre de festivals qui s’articulent autour de pratiques artistiques émergentes, parmi lesquels Almost Cinema, Artefact, Courtisane, City Sonics, Happy New Ears, Jonctions, Transnumériques, VIA et enfin Cimatics, dont la cinquième édition s’est tenu, durant trois soirées du mois de novembre dernier, au Beursschouwburg de Bruxelles. Mais alors que faire durant la journée, si ce n’est rencontrer les principaux acteurs d’une scène numérique en pleine effervescence.
Bram Crevits et Nicolas Wierinck, les principaux organisateurs du festival Cimatics ont conçu, sachant qu’il est bon de générer un peu de frustration, deux programmations distinctes qui se jouent simultanément dans deux salles différentes. L’une se présente tel un théâtre où la position assise est idéale pour assister à des concerts comme à des séances de Live cinéma. Quant à l’autre, elle est semblable à un Club où les VJs et autres DJs apprécient la proximité d’un public libre de ses mouvements.
Cinémas expérimentaux
C’est dans le théâtre que les membres du collectif d’artistes et vidéastes berlinois intitulé Transforma accompagnés du compositeur de musique électronique Chris Douglas, alias O.S.T., jouent la performance audiovisuelle “Synken” qui existe aussi sous la forme d’un DVD vidéo. Ensemble, ils installent un univers d’une relative complexité où les images comme les sons sont constitués d’une multitude de couches qui s’entremêlent les unes aux autres. Il y a le monde du dessus avec sa forêt et celui du dessous, tout de béton sur plusieurs étages. Il y a d’étranges créatures, l’une d’elles est constituée d’un assemblage de tuyaux de plastique, une autre est recouverte d’une sorte de fourrure. Il est aussi quelques objets récurrents tel ce lustre de cristal qui, au gré des changements de lumière, se métamorphose en une micro galaxie étincelante d’étoiles. Et puis un homme, dont on ne verra jamais les yeux, qui ère d’un monde à l’autre. C’est lui, sans doute, qui détient les clefs du récit, sans dialogues, dont il y a autant de possibles interprétations qu’il y a d’individus dans la salle.
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Transforma & O.S.T., “Synken”, 2007 (performance audiovisuelle). |
La principale qualité du festival Cimatics n’est autre que la diversité des propositions artistiques, mais s’il est une problématique transversale aux nouvelles formes d’un cinéma que l’on qualifie d’expérimental, de Live ou d’Expanded, elle réside dans la relation entre l’image et le son et Ryoichi Kurokawa n’y échappe pas. Il n’est en effet point de mouvement dans l’image projetée qui n’ai de résonance sonore. Aussi, on se demande parfois si c’est le son qui “perturbe” l’image ou l’image qui fait son durant sa performance. Mais qu’importe. Plusieurs univers se succèdent et le réel, parfois, disparaît au profit de mondes intégralement calculés par les machines où des formes filaires d’une élégance rare évoluent au sein d’un espace vide. Et quand il réapparaît, le réel semble asservi au rythme saccadé d’une musique électronique répétitive. Ces allers et retours du photographique vers l’abstraction ne sont pas sans surprendre, mais constituent l’une des spécificités inhérentes aux recherches de l’artiste japonais.
Les artistes autrichiens Billy Roisz et dieb13, quant à eux, se sont affranchis du réel et le titre de leur performance, “NotTheSameColor”, évoque la relativité du contrôle qu’ils ont sur les images comme sur les sons qu’ils gérèrent en interconnectant caméras, moniteurs, tournes disques et autres synthétiseurs. Leur matériau de prédilection n’est autre que le bruit, le bruit dans l’image, le bruit dans le son, le bruit que l’on fuit d’ordinaire, le bruit caractéristique de cet entre-deux, entre deux chaînes de télévision, entre deux stations de radio. Et ce sont les mêmes forces, les mêmes énergies qui génèrent images et sons en échappant partiellement au contrôle des deux performeurs. Des forces ou énergies aux origines mystérieuses que Nam June Paik traquait déjà durant les années 60 en maltraitant quelques téléviseurs à coup de champs électromagnétiques. Il y a en effet quelque chose d’étrange, d’hypnotique dans les flux incessants des balayages verticaux qui se succèdent à raison d’une trentaine d’images par seconde selon le standard vidéo NTSC. Des balayages qui ne sont jamais véritablement de “la même couleur”.
Une esthétique du flux
Descendons maintenant d’un étage pour nous rendre à l’“AV Club” où les organisateurs du festival ont donné carte blanche à Marco Mancuso durant une soirée. Ce dernier est le fondateur du projet italien Digicult dédié aux cultures numériques. Il présente plusieurs performances audiovisuelles sous un même intitulé : “+39:Call for Italy”. Les performances “Path to Abstraction” de Quayola et “op7” d’Otolab se suivent et ont du reste de multiples points communs. Quayola, c’est une seule personne durant qu’Otolab est un collectif, mais tous partagent un égal intérêt pour la musique électronique. Il est question dans leurs performances de la représentation de flux incessants. Durant “Path to Abstraction”, tous les éléments graphiques qui apparaissent selon le rythme des sons, avant de disparaître, évoluent autour de la ligne verticale invisible qui partage l’espace de la projection en deux. Et durant une quarantaine de minutes, c’est une multitude de primitives colorées en deux dimensions qui se bousculent à l’écran en participant ainsi à la composition des tableaux abstraits qui jaillissent du noir avant de se disloquer dans le néant.
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Quayola, “Path to Abstraction”, 2007 (performance audiovisuelle). |
Quant aux membres d’Otolab, ils ont eux aussi opté pour le fond noir et l’on n’est guère surpris d’apprendre que des architectes appartiennent au collectif lorsque l’on avance au sein du tunnel infini qu’ils nous proposent d’explorer durant quarante autres minutes. Sur les trois grands écrans de l’AV Club, ce sont maintenant des formes architecturales, blanches et monumentales qui se succèdent, elles aussi asservies au flux incessant des événements sonores. En immersion dans cet espace perspectif sans début ni fin, on pense inévitablement à cette tradition italienne qui consiste à matérialiser l’espace par l’architecture, à Brunelleschi ou à Piero Della Francesca qui usait des nombres comme les VJs d’aujourd’hui se servent du code.
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Otolab, “op7”, 2006 (performance audiovisuelle). |
Des couleurs dans la ville
L’usage du code informatique en art participe des problématiques développées par un nombre grandissant de structures belges dont le CeCN, Constant, FoAM, l’iMAL, Le Manège, Nadine, Okno, Transcultures, VJ10, le Vooruit ou enfin le Mediaruimte qui est localisé à quelques pas du Beursschouwburg. Cette galerie est un peu particulière puisqu’elle n’ouvre que le soir et est tenue par un collectif d’artistes nommé LAb[au]. Ceux-ci se sont spécialisés dans le MetaDesign qu’ils définissent telle : « une discipline basée sur des codes / langages réunissant des concepts tirés de la communication, des sciences du traitement de l'information (sciences cognitives), des méthodologies de production et de conception (design) et des concepts d'espace (architecture) ».
Nombreux sont les bruxellois qui ne connaissent pas les LAb[au] bien qu’ils aient, pour la plupart, été témoins de leurs actions au sein de l’espace urbain, notamment au travers de la célèbre tour Dexia. Cette dernière compte parmi les plus hautes de la ville et 4200 de ses fenêtres ont été équipées de diodes électroluminescentes rouges vertes et bleues. Aussi les LAb[au], en 2006, l’ont transformée en une installation urbaine interactive en permettant au public d’interagir sur les couleurs de ses fenêtres pixels à l’aide d’une table écran tactile. Par cette action intitulée “Touch +/- 0”, le collectif bruxellois offrait ainsi au public le “contrôle“ de tout un quartier puisque les matériaux réfléchissants des architectures environnantes, par un simple phénomène de contamination, réagissaient eux aussi aux désirs du public.
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LAb[au], “Touch +/- 0”, 2006 (installation urbaine interactive). |
Plus récemment, les LAb[au] ont entamé une série de variations intitulée “Who’s afraid of Red, Green and Blue” en référence aux recherches antérieures de l’artiste américain Barnett Newman. Les couleurs de la tour, durant le premier opus, traduisaient le temps qui passe, les heures devenues rouges, les minutes vertes et les secondes bleues, durant qu’elles nous informent, depuis peu, du temps qu’il fera demain. Quant aux prochaines variations qui augmenteront l’architecture de la Dexia Tower de quelques informations, elles sont encore en gestation au sein du “laboratoire” du Mediaruimte.
L’art du jeu vidéo
Les méthodes de travail collaboratives inhérentes au modèle coopératif du collectif conviennent tout particulièrement aux artistes exploitant les technologies et médias numériques qui ainsi associent leurs compétences au sein de groupes tel Code 31, MéTAmorphoZ, Transitscape ou Workspace Unlimited. Ce dernier est localisé à Gand et a été fondé par l’artiste multimédia Thomas Soetens et l’architecte Kora Van Den Bulcke. Ils travaillent ensemble, depuis 2002, à la création d’un monde virtuel intitulé “Common Grounds” qu’ils battissent par étapes successives au gré de leurs interventions en centres d’art et de recherches telle la SAT de Montréal, le V2 de Rotterdam ou le Vooruit de Gand. A chacun de ces lieux correspond une nouvelle entrée, un nouveau passage allant de l’espace réel à sa reconstitution partielle via le moteur de jeu de Quake.
Le rez-de-chaussée de la SAT a donc été reconstitué virtuellement, mais il suffit d’emprunter l’ascenseur pour explorer un monde d’avantage imaginaire où l’on découvre notamment quelques installations 3D interactives conçues antérieurement par les deux artistes. La seconde entrée du projet, nommée “Devmap”, n’est autre qu’une base de données que l’on explore en trois dimensions et qui regroupe une multitude d’informations relatives à l’édition 2004 du festival DEAF organisé par le V2. Enfin, la plus récente des extensions a permis à plusieurs artistes et autres chercheurs localisés à Montréal, Rotterdam ou au Vooruit de Gant de communiquer ensemble au sein d’un même espace virtuel.
Restons à Gand où il n’y a que quelques canaux à traverser pour aller de l’atelier de Workspace Unlimited au studio de développement de jeux Tale of Tales fondé par les Net artistes Auriea Harvey et Michaël Samyn qui sont à l’origine du projet “The Endless Forest”. Il s’agit d’une application qui se télécharge gratuitement, se lance tel un économiseur d’écran et se contrôle comme un jeu vidéo en trois dimensions. Ainsi, une forêt sans fin émerge de l’ordinateur dès lors que celui-ci s’assoupit. L’écran prend alors les allures d’un paysage d’Arnold Bocklin où l’on incarne un cerf à visage humain qui n’est pas sans évoquer le dieu cerf de “Princesse Mononoké”. Ce dernier se repose aussi, mais se met à marcher ou courir selon les touches activées. Il n’est pas seul puisque entouré par d’autres animaux et peut communiquer via quelques postures avec ses congénères qui ne sont autres que les avatars des internautes connectés. C’est bien d’un jeu dont il s’agit, mais sans but ni quête. Une application en ligne qui autorise les échanges dès lors que l’on se passe du langage. Un univers persistant en trois dimensions où les Linden Dollars n’ont pas court. Bref un monde pacifié où l’on entend les bruits de la nature, du vent, de l’eau et des oiseaux. Mais il s’y passe pourtant de drôles de choses lorsque les concepteurs y interviennent en incarnant les dieux jumeaux ou ”Twin Gods” durant les performances qu’ils qualifient d’“Abiogenesis”, un terme qui évoque l’origine du vivant en grecque. Et attention à la mare !
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Thierry De Mey & Jean Geoffroy, “Light Music”, 2004 (performance audiovisuelle avec danseur). © Arthur Péquin |
Corps et lumières
Les technologies et médias numériques, nous le savons, participent aussi du décloisonnement entre les pratiques artistiques. Aussi, il est quelques chorégraphes ou compositeurs belges, à l’instar de Michèle Noiret, Todor Todoroff ou Thierry De Mey, qui se sont saisis des dispositifs de captation pour inventer de nouvelles formes d’écritures scéniques. Et là, c’est le corps, augmenté par les machines, qui fait lien entre l’image, ou la lumière, et le son comme dans la performance “Light Music” de Thierry De Mey qui nous dit de ce titre anglais qu’il « autorise le jeu de mot “musique légère” puisque l’instrumentiste ne dispose d’aucun "instrument" ». C’est Jean Geoffroy cet instrumentiste qui, situé au centre de la scène, dans l’ombre, sculpte les sons que l’on perçoit et contrôle les traces éphémères qui sont projetées derrière lui en déplaçant ses mains dans une zone de lumière, devant lui. Ces multiples couches, dès les premières minutes, font littéralement corps avec Jean Geoffroy qui extirpe des sons avec ses mains dont les mouvements sont convertis en autant de traces lumineuses.
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Ingrid Simon & Sébastien Monnoye, “Drifting Floor”, 2007 (performance audiovisuelle avec danseurs). © Strange Milena - Sofam |
Ingrid Simon vient du cinéma, Sébastien Monnoye du multimédia, et eux aussi questionnent le rapport entre le corps et l’image via la lumière avec la performance “Drifting Floor”, où deux danseurs cohabitent au sein d’une scène réduite à quelques mètres carrés. Ils sont intégralement revêtus d’un blanc qui fait écran dès lors qu’ils pénètrent la zone de captation. Les images projetées, par un système de masquage en temps réel, habillent ainsi littéralement les corps de ces deux êtres dont on ne perçoit plus que les silhouettes. S’installe alors un jeu qui s’articule autour de la rencontre entre ces deux silhouettes qui révèlent les images projetées dans leurs déplacements en évoquant ces espèces animales qui, par mimétisme, s’habillent de leurs environnements. Et puis il y a ce moment particulièrement étrange où les silhouettes se détachent des corps immobiles pour rejouer les gestes d’un passé immédiat.
Et puis….
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Tom Heene & Yacine Sebti, “Salt Lake”, 2007 (installation interactive). |
...Il y a encore bien des artistes sur la scène numérique belge tel Nicolas Dufrane, Pierre Philipe Hofmann, Bernard Lepercq, Thomas Israël, Olivier Vanderaa ou Walter Verdin. Et citons, pour terminer, l’installation conçue par Tom Heene et Yacine Sebti qui s’intitule “Salt Lake”. Il s’agit d’un dispositif immersif que l’on explore seul et qui comptait parmi la programmation d’Eva de Groote durant le festival Almost Cinema 2007. Et quoi de mieux que d’écouter les commentaires de ceux qui ont vécu l’expérience au sein des vidéos sélectionnées par Yves Bernard, le directeur de l’iMal, ce nouvel espace bruxellois d’environ 600m2 dédié aux innovations artistiques, scientifiques et industrielles en se rendant à l’adresse imal.org. Et dire que les gares du Nord et du Midi ne sont distantes que d’une heure et 22 minutes.
Article rédigé par Dominique Moulon pour Images Magazine, mars 2008
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